26 juillet 2008

Le ciel nu

« Un regard lancé dans le ciel d'été n'est pas un simple coup de pinceau à la surface du monde, mais une révélation, une explication, une lecture en plein air. » (Jean Tardieu)


Tu t'es réveillé aux aurores ce matin. Tu étais comme reposé, dispos, prêt à entamer la journée. Tu en avais fini avec le sommeil. Le jour te réclamait. Alors, donc, tu t'es levé. Fausse alerte : rien n’est venu que quelques généralités sur Gadenne, la première chose qui te soit passée par l’esprit, à part pisser peut-être (dérision s‘il en est). Tu as profité un instant sur ton balcon d’un ciel encore nu, pur. Le ciel pur au matin, tout un programme. Le monde se gâte toujours par la suite. Il se brouille, et toi de même avec les mots. A la radio, c’est un signe, on conseille aux auditeurs de profiter du soleil ce matin. Parce qu’ensuite les nuages. (Ah! le soleil. Je pense à Vincent. Scorcese dans le film de Kurosawa : « The sun! He compells me to paint! » C’est tellement beau, tu sais, l’aventure poétique de Vincent. Un des seuls qui tiennent vraiment face au Rouleau Compresseur de l’Ennui, un de ceux qui m’ont donné, tant de fois, le simple, si souvent inaccessible courage de me lever le matin, qui m’ont criblé aussi, de dettes artistiques.)

Je suis le premier réveillé ce matin. Elle dort encore, douce dans les draps rouges. Et Malou la chienne, un beauceron croisé, s’étire placidement, saigne (ses chaleurs) sur le flocati de chez Ikea à côté du lit de chez Ikéa. A la radio, les speakers - ils semblent de chez Ikea - ne sont pas inspirés. J’entends qu’un type, un anglais, s’est de dépit tranché la tête à la tronçonneuse. On cherchait à le reloger depuis deux ans. Ne voulait pas quitter son appartement. Ces gus à la radio remplacent d’autres gus partis en vacances, le résultat est mauvais, plus mauvais que d’habitude (c’était possible). Je suis dans cet état où tout m’est bon, tout est susceptible de s’agglomérer à ma fiction. Je suis en disponibilité du monde, un peu comme Artaud disait l’être de la « poésie », si je me souviens bien, dans une lettre à Jacques Rivière (lire, relire cette correspondance, s’en sursaturer).


Tant de choses m’ont frôlé, sans s’imprimer réellement. Sans doute ce qui s’appelle se lever du bon pied.


Dans la rue, au niveau du Faubourg où l’on dresse les étal du marché, je baise du regard le petit monde des humbles, des pauvres, des clodos hallucinés édentés pérorant à l’arrêt de tram, délirants, malades générés par la France. Une rom crache une glaire sur la voie du tram, le soleil monte dans le ciel. La chienne trottine à mes côtés.


Le carrefour en étoile à six branches en face du Rive Gauche est baigné de soleil. Ah! le soleil! Le monde s’épiphanise, et tu n’es pas fichu de noter ce-qui-réellement-se-passe, les effets de surface, les scintillements de toutes sortes, le bruit des autos.